
Les obsèques d’El hadji Omar Bongo Ondimba ont réuni à Libreville une partie essentielle de l’Afrique et de l’Europe. Ce fut naturellement un moment, pour les observateurs, de lire, en chaque Homme d’Etat présent, un ensemble de vertus et de vices qui l’honore ou le déshonore. Wade a été à Libreville. Il a, volontairement ou involontairement commis deux actes regrettables qui heurtent la morale république et l’éthique démocratique.
Premièrement, au moment où ses pairs africains étaient accompagnés de membres de leur gouvernement, de leur premier ministre, de personnalités parlementaires ou de leur épouse, il était, au nom de la République accompagné de sa …fille, Syndiély. Le problème n’est pas, en fait, la personne de cette fille que beaucoup de Sénégalais considèrent comme une colombe. Mais c’est la physionomie monarchiste de la démarche qui heurte. C’est, en vérité, dans la monarchie, que les enfants du Roi, ayant un statut de Prince ou Princesse, sont à la tête des évènements internationaux ou nationaux. Wade est le seul chef d’Etat africain présent dans cette cérémonie non avec un Ministre d’Etat, non avec une personnalité parlementaire ou autre mais avec sa fille. C’était gênant car tous des regards interrogateurs étaient posés sur lui. Il semble bien que nul ne peut guérir Wade de sa conception trop monarchiste du pouvoir.
La cassure entre le peuple sénégalais et lui, s’explique, pour une large part, par cette présence ostentatoire sur le champ public et dans la gestion des affaires de l’Etat par sa famille dont le fils aîné est devenu, à tort ou à raison, une cible politique. Au Sénégal, c’est une affaire de culture. Le monarchisme ne passe pas et tout image qui y renvoie agace. Deuxièmement, envers l’ancien président Abdou Diouf, Wade a eu une attitude de mépris qui frise la haine.
En allant se recueillir sur la dépouille mortelle de Bongo Ondimba et signer après le livre de condoléances, chaque chef d’Etat présent a eu l’esprit démocratique et la décence inédite d’aller inviter son prédécesseur pour commettre ensemble le geste dans l’élégance républicaine au nom de leur pays. Nicolas Sarkozy a tendu la main à Jacques Chirac. Thomas Yayi Boni du Bénin fit le même geste envers Nicéphore Soglo. Simone Gbagbo dont on connaît les rapports tendus avec Guillaume Soro l’a invité à le rejoindre. Amadou Toumani Touré a également eu la même attitude : il a, avec le sourire, tendu la main à Alpha Oumar Konaré. Mais Wade n’a pas « vu ». Du moins, il semble n’a pas voulu le « voir ». Est-ce du mépris ? Est-ce de la haine ? Abdou Diouf lui a fait de l’ombre ? Ce sont des questions. Quel que soit ce qu’on peut reprocher à son prédécesseur, il y a des attitudes qu’un homme ne devrait point faire surtout quand ses thuriféraires lui donnent la dimension de Sage et de rassembleur. Pourtant, il vient récemment de lancer un appel pour un « dialogue politique » avec la classe politique sénégalaise. Mais Dieu sait qu’une telle attitude ne s’accommode point d’esprit de « dialogue ». A un moment de la vie, il faut savoir changer et faire disparaître en soi le nombrilisme surtout lorsqu’on dirige un peuple qui a des exigences.
Il est d’ailleurs bizarre de constater que Wade ne semble pas porter dans son cœur les personnalités sénégalaises qui brillent à l’extérieur sur la scène internationale. C’est la mort dans l’âme, la colère de certains citoyens et avec la pression française que Wade a fini par accepter la candidature sénégalaise de Abdou Diouf au poste de Secrétaire Général de la Francophonie. Il fait éjecter Moussa Touré de la tête de la commission de l’Uemoa. Il combat Jacques Diouf, Directeur Général de la FAO qu’il aurait aussi snobé à Libreville.
Cette attitude de Wade envers certaines personnalités dont les voix pèsent lourdement sur la scène mondiale et sa conception monarchiste du pouvoir gênent. Elles gênent même ses militants et les citoyens. Gouverner implique la tolérance, la générosité, l’humanisme et l’éthique. Abdou Diouf a en tous cas donné une leçon à Wade. Devant tout le monde, il s’est levé pour aller saluer Wade avec les deux mains. Des murmures ont fusé. Certains ont regardé Wade et ont souri sous cape ! L’image du Sénégal en a reçu un sacré coup.
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P.-S.